
On n'oublie jamais sa première voiture. Pour moi, ce fut une 205 GR 1124cc AM90 bleu Topaze équipée de l'option boîte 5 vitesses et du (rare !) pack électrique. Son premier propriétaire avait fait monter une alarme Gémini couplée au verrouillage centralisé. Mon père l'a achetée en 1991 en remplacement de son Ami 8 Break alors que j'entrais en sixième. Il l'a faite accessoirisée d'un deuxième rétroviseur (la réglementation n'en imposait encore qu'un seul !) et de pares-soleil déroulants à l'arrière. Elle n'a depuis jamais quitté la famille. Son arrivée fut un évènement car la 205 était pour moi une icône dont je collectionnais les catalogues et les articles de presse. Et en pur fanatique de la chose automobile, j'ai su très tôt différencier à l'oreille les moteurs X, TU et XU !
C'est donc tout naturellement avec cette 205 que j'ai commencé ma vie d'automobiliste. Je l'ai régulièrement utilisée pendant 17 ans avant de la remiser chez mes parents. Je la tire de temps en temps de son sommeil histoire de remonter le temps. Mes souvenirs n'étant pas à vendre, elle ne devrait pas connaître d'autre maison de mon vivant, sauf si le père Noël m'apporte une GTI 130 ch rouge Vallelunga en état concours...

Malgré des rayures, dont une profonde, les enjoliveurs qui ont frotté, les pare-chocs fanés et quelques méchants coups de poings donnés par un Basque qui n'a peut-être pas apprécié le "F" à l'arrière (et pourtant j'adore son pays !) elle est encore en bon état. Il est vrai qu'elle a couché l'essentiel de sa vie dans un garage.
Ce qui marque le plus avec le recul, c'est la petitesse de la voiture. Elle paraît vraiment lilliputienne avec ses roulettes de 13 pouces et ses pneus-galette ! Et encore, j'ai fait changer les misérables 145mm d'origine pour des 165mm, surmonte d'ailleurs effectuée par Peugeot sur les GR plus récentes ! A côté, une 208 paraît charpentée comme une athlète, mais la 205 conserve de belles proportions, une gueule dynamique qui a fait date et un joli petit derrière pudiquement caché par la fameuse "planche à laver". Par ailleurs, je considère le bleu Topaze comme une des plus belles teintes du nuancier 205 (très beau aussi sur une GTI ou une CTI).

La deuxième chose rafraîchissante sur cette voiture, c'est la sensation de légèreté. Avec à peine 750 kg, quatre roues aux quatre coins et une direction qui ne pèse rien, c'est un vrai jouet de sorte que les 55 poneys-vapeur paraissent assez vifs en ville et même sur route. Je n'ai pas l'impression de conduire un veau. Dire que l'AX pesait 100 kg de moins ! Je n'ose même pas imaginer le plaisir que procure une Rallye dont le bouilleur dérive de mon petit TU1 ! Tel quel, le comportement routier paraît encore très actuel même si le roulis important et le train avant non triangulé découragent la conduite sportive. La commande de boîte, dure et accrocheuse à froid sur le premier rapport et la marche arrière, est toujours aussi pénible.

Au volant, j'ai les genoux qui touchent la contre-porte et la console mais la visibilité périphérique est celle d'un aquarium. Il y a bien longtemps que l'on ne trouve plus de montants de toit aussi minces sur les voitures neuves ! Paul Bracq, que j'ai eu la chance de rencontrer, m'avait raconté qu'ils avaient cherché à dégager au maximum la vue du conducteur, d'où la ceinture de caisse basse, le capot plongeant et le tableau de bord à deux niveaux de lecture, avec les voyants essentiels au premier étage.
L'habitacle de la série 2 a je trouve beaucoup mieux vieilli que celui de la série 1. En plus, le mien est bleu, ce qui ne court pas les rues. Le volant avait une jante très épaisse pour l'époque. Paul Bracq m'avait confié qu'un affichage digital avait été envisagé, ce qui était dans le ton de l'époque. Bien évidemment, le pommeau de levier de vitesse a été changé (merci l'Aventure Peugeot). Quant aux vitres électriques, une option rare sur GR, elles fonctionnent encore sans hésitation, contrairement au verrouillage centralisé. Je ne sais pas quelle pièce il faut changer.

En remettant l'auto en route, je redécouvre ce qu'est un starter ! Je ré-apprends à doser mon mélange air-essence en écoutant mon moteur, comme autrefois. J'aime les autos qui impliquent leur conducteur ! L'état mécanique est absolument remarquable puisque à bientôt 30 ans, elle démarre toujours au quart de tour sans avoir jamais été chez le garagiste ni connu autre chose que l'entretien courant (vidange, bougie, distri, etc.) Le TU1 paraît si increvable que j'ai l'impression qu'il pourrait tourner sans huile. Je remarque toutefois de vilains grognements en manœuvre lorsque les roues sont braquées à fond, signe sans doute de cardans fatigués.
Bref, cette voiture est une vraie petite machine à remonter le temps dont la conduite n'est pas une punition en 2019, contrairement à d'autres engins plus rudimentaires. Pour ses trente ans, elle mériterait juste :
_ 1 check-up mécanique complet
_ 1 lustrage carrosserie + comblement des rayures profondes
_ 1 rafraîchissement des plastiques
_ 1 verrouillage centralisé qui marche à nouveau
_ 1 téton de plage arrière (cassé)
_ 1 autoradio Philips auto-reverse d'origine (je l'ai retrouvé !)
_ 3 ou 4 enjoliveurs mieux conservés
Je devrais trouver ici les tuyaux nécessaires à lui donner 30 ans d'espérance de vie supplémentaires !



